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sa propre imagination. C’est ce que M. Mario Uchard persistera à croire, et une bonne partie du public en sera d’avis comme lui. Il ne nous semble pas que ni le public ni M. Mario Uchard se trompent. Le tort de M. Uchard a été de prétendre qu’un jugement du public, ou d’une partie du public, tout spirituel, nous voulons dire du domaine pur de l’esprit, fût converti en un décret de la puissance temporelle, et que le juge séculier, armé du glaive, vînt dire à l’éternelle évolution littéraire : « Tu es la contrefaçon et je mets sur toi saisie-arrêt. » Le tribunal l’a justement puni de cette prétention.

Un jour, Favart fut accusé par la voix publique d’avoir pris l’un de ses opéras comiques (non le meilleur, il s’en faut) moitié à Voisenon, moitié à Voltaire. Ni l’un ni l’autre ne se plaignit. Voisenon ne pouvait : il était trop du ménage Favart. Voltaire ne daigna. Il se dépêcha de composer sur l’affaire et d’envoyer à Voisenon une aimable épître que je cite in extenso, parce qu’elle est courte et parce qu’elle contient sans rien de doctoral toute la doctrine saine sur la nature et les limites de la propriété littéraire :


J’avais un arbuste inutile
Qui languissait dans mon canton ;
Un bon jardinier de la ville
Vient de greffer mon sauvageon.