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duire, c’est contrefaire, disent les jurisconsultes et les diplomates. La littérature française et la littérature allemande sont là pour protester contre leur formule. En allemand et en français du moins, traduire, c’est créer ; traduire, c’est lutter, égaler et vaincre. Voici un ouvrage à traduire ; et je suis, je suppose, le bon lutteur. Avec la certitude de l’inspiration, je discerne que la traduction de l’ouvrage, si c’est moi qui la fais, enrichira ma langue maternelle d’un modèle de beau langage. Et il dépendra de l’auteur étranger et du libraire étranger de m’écarter pour confier la besogne d’art où j’aspire à quelque scribe laborieux, avec lequel ils sont en rapport de commerce ! Il dépendra d’eux d’enchaîner en moi le talent qui m’est propre ! Je suis Voss et, si j’ai Homère pour contemporain, vos traités m’interdiront de donner l’Iliade et l’Odyssée à l’Allemagne ! Je suis Schlegel, et, si Calderon est vivant et que mon nom lui soit inconnu, ou que mon nez lui déplaise, ce n’est pas moi qui ferai faire aux Allemands connaissance avec le Prince Constant et l’Alcade de Zalamea ! Je suis Amyot, et je ne pourrai pas façonner en français les Vies des Hommes illustres ! J’ai cité le nom de Voss le premier. C’est que sa traduction d’Homère en vers est un véritable mot-à-mot, et que cette traduction, par cela même qu’elle est littérale, donne bien plus de force à mon