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les terres vierges et des Atlantides inabordables. Il connaissait le loup bien avant qu’on le lui ait montré à la ménagerie. Au loup, au loup ! ce monosyllabe effrayant est venu plus d’une fois l’arrêter court, quand il était tout petit, — car maintenant, il est si grand ! — au beau milieu d’une fièvre de gaieté ; sa figure alors est restée fixe et il a éprouvé dans le silence le sentiment solennel et délicieux de la terreur. La forêt aussi, près de la ville, la forêt du Petit-Poucet sans doute, lui a fait grand’peur un jour qu’il s’y était attardé en compagnie de son père. La pluie est arrivée, et les grondements de l’orage et les ombres épaisses : quel soulagement, quelle joie quand, trempés et exténués tous deux, ils ont aperçu, d’un carrefour du bois à travers les ténèbres, bien loin, bien loin, à cinq cents pas au moins, une lumière dans une cabane ! Perrault entoure les enfants de merveilles et il les jette dans les aventures, mais sans les dépayser et sans les désheurer. S’ils n’ont jamais vu Barbe-Bleue ou des ogres ou des ogresses, ils ont bien souvent rencontré à la promenade le mousquetaire et l’officier de dragons qui tuent Barbe-Bleue ; bien souvent, leur chère maman, quand elle était contente d’eux, leur a arrangé un bon plat à la sauce Robert, qui est la sauce à laquelle l’ogresse aime à manger les petits enfants bien dodus. Aussi le choix ingénieux des