Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier empire, de M. Ernest Hamel, — livre de parti pris, mais clair, nourri et méthodique, — qu’au lendemain de l’incendie de Moscou, Napoléon dénicha dans la ville un petit théâtre que le feu avait épargné et une troupe de comédiens français, à la solde de la Russie, qui n’avaient pas suivi le gouverneur et la population russe dans leur retraite. Pour détourner de ses soldats les idées noires, il fit représenter devant eux quelques pièces. Et devinez lesquelles ? Les Trois Sultanes, le Distrait, le Jeu de l’Amour et du Hasard. Et ils furent ravis, les conscrits de 1811 et les amateurs à trois brisques de la Grande Armée, qui ne savaient ni lire ni écrire ! Aujourd’hui, si l’on demandait à M. Perrin de reprendre les Trois Sultanes, pour ses brillants abonnés du mardi, M. Perrin répondrait avec flegme : « Je veux bien ; mais les duchesses se désabonneront ! » Aussi ce sera toujours un temps regrettable pour moi, par plus d’un côté, que celui où les duchesses savaient discerner l’Esprit de contradiction et interpréter le Méchant. Ah ! je passe bien aisément, je vous jure, quoi que gémisse le marquis d’Argenson, au roi Louis XV et à madame de Pompadour d’avoir dépensé cinquante mille écus pour monter le Devin du village tant à Fontainebleau qu’aux Petits-Cabinets, d’avoir ainsi procuré au pauvre Jean-Jacques son premier jour de bonheur