Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

lèvres remuèrent comme s'il eût voulu dire quelque chose, mais il ne pouvait plus parler. Sa tête retomba sur la poitrine de l'autre officier, et le jeune Français mourut dans les bras du jeune Prussien. Ce fut un spectacle si émouvant que, de part et d'autre, Français et Allemands demeurèrent là comme fasci- nés. Un instant, la paix, le silence régnèrent sur le champ de bataille sanglant, comme si un souffle venu on ne sait d'où eût passé par là, comme si, sans que nul eût pu dire d'où elle ve- nait^ une voix eût dit «  Aimez-vous, humains, aimez-vous les uns les autres. » E. VON WILDEN13RUCH, Archambauld. Traduit spécialement de l'allemand par H. -L . Bloch. La Princesse de la Paix Après des guerres incessantes, le roi Inge de Suède vient d'avoir une entreuue avec le roi Magnus de Norvège ils ont décidé de sceller la paix par un mariage entre la fille du roi Inge et le roi Magnus. La Princesse de la Paix se niet en route vers la Noruège mais les pay- suns des frontièressuédoises, qui ont si longtemps souffert de la guerre, ne peuvent encore croire à sa venue. VOICI COMMENT LES CHOSES SE passèrent, lorsque Margareta, la Princesse de la Paix, qui s'en allait en Norvège pour épouser le roi Magnus Barfort, arriva à Storgardsbyn, en Vestro- gothie, un peu au-dessous de Kungahalla. Les premières qui l'aperçurent du haut d'une colline, ce furent deux vieilles femmes qui avaient été ramasser de la mousse dans la forêt. Elles jetèrent aussitôt leurs fardeaux et coururent annoncer au village que quelque chose de clair et de charmant chevauchait au loin sur le sentier de la forêt. Mais personne ne voulut les croire. «  Malheur à vos yeux obscurcis1 leur cria-t-on. Vous n'avez vu que la brume des marais qui dansait autour du tronc roux des pins. » Bientôt après les vieilles femmes, Rasmus, le jeune gars char- bonnier, accourut. Ses yeux brillaient. Il était si essoufflé qu'en arrivant au village il put à peine parler. Mais dès qu'il eut repris haleine, il se mit à crier à tue-tête « Soyez heu- reux 1 La Princesse vient J'ai vu la belle princesse qui venait doucement sous les arbres soyez heureux 1» Le charbonnier Rasmus s'était arrêté à la place triangulaire du village où trois chemins se croisaient. Quelques paysans y causaient à voix basse de la guerre qui ne tarderait pas à éclater avec la Norvège, et quand ils entendirent Rasmus, ils crurent que le jeune gars se moquait d'eux.