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Les Semailles JEAN, CE matin-là, un semoir (1) de toile bleue noué sur le ven- tre, en tenait la poche ouverte de la main gauche, et, de la droite, tous les trois pas, il y prenait une poignée de blé, que, d'un geste, à la volée, il jetait. Ses gros souliers trouaient et empor- taient la terre grasse, dans le balancement cadencé de son corps; tandis que, à chaque jet, au milieu de la semence blonde toujours volante, on voyait luire les deux galons rouges d'une veste d'ordonnance, qu'il achevait d'user. Seul, en avant, il mar- chait, l'air grandi et, derrière, pour enfouir le grain, une herse roulait lentement, attelée de deux chevaux, qu'un charretier poussait à longs coups de fouet réguliers, claquant au-dessus de leurs oreilles. Et toujours, et du même pas, avec le même geste, il allait au nord, il revenait au midi, enveloppé dans la poussière vivante du grain; pendant que, derrière, la herse, sous les claquements du fouet, enterrait les germes, du même train doux et réfléchi. -De longues pluies venaient de retarder les semailles d'au- tomne; on avait encore fumé en août, et les labours étaient prêts depuis longtemps, profonds, nettoyés des herbes salis- santes, bons à redonner du blé après le trèfle et l'avoine de l'assolement triennal (2). De toutes parts on semait il y avait un autre semeur à gauche, à trois cents mètres, un autre plus loin vers la droite et d'autres encore s'enfonçaient en face dans la perspective fuyante des terrains plats. C'étaient de petites silhouettes noi- res-, de simples traits de plus en plus minces, qui se perdaient à des lieues. Mais tous avaient le geste, l'envolée de la semence, que l'on devinait comme une onde de vie autour d'eux. La plaine en prenait un frisson jusque dans les. lointains noyés où les semeurs épars ne se voyaient plus. EMILE ZoLA, La l'erre (Fasquelle, édit.). Les Moissonneurs IL était Dix HEURES DU MATIN le mois d'août était chaud, le cielvétait sans nuages, bleu comme une pervenehe la terre brûlait, les blés flambaient, les moissonneurs travaillaient, la face cuite par la réverbération des rayons sur une terre durcie où semeur porte alternance de trots cultures, le semeur porte le l'avoine 2. chacune tous los trois ans,