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étonné en même temps que ce fût déjà fini. Il le toucha du pied, leva une de ses jambes, puis la laissa retomber, s'assit dessus, et resta là, les yeux fixés dans l'herbe et sans penser à rien, Il revint à la ferme, mais il ne dit pas l'accident, car il voulait wagabonder encore aux heures où, d'ordinaire, il allait changer de place le cheval. Il alla voir le lendemain. Des corbeaux s'envolèrent à son ap- proche. Des mouches innombrables se promenaient sur le ca- davre et bourdonnaient l'entour. En rentrant, il annonça la chose. La bête était si vieille que personne ne s'étonna. Le maître dit à deux valets «  Prenez vos pelles, vous f'rez un trou là ous qu'il. est. » Et les hommes enfouirent le cheval juste à la place où il était mort de faim. Et l'herbe poussa drue, verdoyante, vigoureuse, nourrie par le corps. GUY DE Maupassant, Contes (Ollendorff, édit.). Le vieux Cheval DANS NOTRE PAYS vivait un très vieil homme, Pimen Timc- théitch. Il avait quatre-vingts ans. Il ne faisait rien et demeu- rait chez son petit-fils. Il avait le. dos tout voûté, s'appuyait sur un bâton pour marcher et traînait avec peine ses jambes. Il n'a- vait plus qu'une seule dent, son visage était ridé, sa lèvre infé- rieure tremblait; lorsqu'il marchait, quand il parlait, ses lèvres se mettaient à trembler et on ne pouvait comprendre ce qu'il disàit. 1 Nous étions quatre frères, et tous quatre aimions à monter à cheval. Mais nous n'avions pas de monture assez douce pour nous; on ne nous laissait qu'un vieux cheval appelé Voronok. Un jour, notre mère nous permit une promenade, et nous courûmes tous à l'écurie avec notre sous-maître. Le cocher nous sella Voronok, et l'aîné monta le premier7" Il chevaucha long- temps il alla jusqu'à la grange, fit le tour du jardin; quand il fut près de nous, nous lui criâmes: «  Eh bien 1 au galop, maintenant » Il se mit à frapper le cheval des pieds et de la cravache, et Voronok passa au galop devant nous. Après l'aîné, ce fut l'autre frère. Lui aussi chevaucha long- temps lui aussi, à coups de cravache, mit au galop Voronok et descendit le coteau à fond de train. Il voulait continuer, mais le troisième frère le suppliai de descendre plus vite. Celui-ci, comme les autres, alla jusque la grange, fit le tour du jardin, traversa le village et, au galop, descendit du coteau