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maladie sur le pauvre visage aminci du petit être, et le père, un brave homme d'ouvrier, renfonçait dans ses yeux les pleurs qui lui brûlaient les paupières. Et le jour se levait, clair, doux, un beau matin de juin entrant dans l'étroite chambre de la rue des Abbesses, où se mourait le petit François, l'enfant de Jacques Legrand et de Madeleine Legrand, sa femme. Il savait sept ans. Tout blond, tout,rose, et si vif, gai comme un passereau, le petit, il n'y avait pas trois semaines encore Mais une fièvre l'avait saisi; on l'avait ramené, un soir, de l'école communale, la tête lourde et les mains très chaudes. Et depuis, il était là, dans ce lit, et quelquefois, en ses délires, il disait en regardant ses petits souliers bien cirés que la mère avait soi- gneusementplacés dans un coin, sur une petite planche «  On peut bien les jeter maintenant, les souliers du petit François 1 Petit François ne les mettra plus 1 Petit François n'ira;piùs à l'école. Jamais! jamais Alors le père disait, criait « Veux-tu bien te taire! » et la mère allait enfoncer sa tête blonde toute pâle dans son oreiller, pour que le petit François ne l'entendît pas pleurer. Cette nuit-là, l'enfant n'avait pas eu le délire, mais, depuis deux jours, il inquiétait le médecin par une sorte d'abattement bizarre qui ressemblait à de l'abandon, comme si, à sept ans, le malade eût éprouvé déjà l'ennui de vivre. Il était las, silencieux, triste, laissant ballotter sa tête maigre sur le traversin, ne vou- lant rien prendre, n'ayant plus a^cun sourire sur ses pauvres lèvres amincies, et, les yeux hagards, cherchant, voyant on ne savait quoi, là-bas, très loin. « Là-haut peut-être >>, pensait Madeleine qui frissonnait. Quand on voulait lui faite prendre une tisane, un sirop, un peu de bouillon, il refusait Il refusait tout. «  Veux-tu quelque Non, je ne veux rien 1 'i Il faut pourtant le tirer de là, avait dit le docteur. Cette torpeur m'effraye! Vous êtes le père et la mère, vous connais- sez bien votre enfant. Cherchez ce qui pourrait ranimer ce petit corps, rappeler à terre cet esprit qui court après les nuages! » Et il était parti. Cherchez1 Oui, sans doute, ils le connaissaient bien, leur François, les braves gens! Ils savaient combien ça l'amusait, le petit, d'aller saccager les haies, le dimanche, et de revenir à Paris, chargé d'aubépine, sur les épaules du père, ou encore, aux Champs- Elysées, d'entrer voir Guignol, dans l'intérieur de la ficelle,