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telle société ? Ou la nécessité, ou la légèreté, ou, le plus souvent, un mélange des deux ; on ne croit pas s’engager, car on ne sait pas que, hormis le surnaturel, la société seule empêche de passer naturellement dans les formes les plus atroces de vices ou de crimes. On ne sait pas qu’on va devenir autre, car on ne sait pas jusqu’où va en soi-même le domaine de ce qui est modifiable par l’extérieur. On s’engage toujours sans savoir.

Rome, c’est le gros animal athée, matérialiste, n’adorant que soi, Israël, c’est le gros animal religieux. Ni l’un ni l’autre n’est aimable. Le gros animal est toujours répugnant.

Est-ce qu’une société où régnerait seulement la pesanteur est viable, ou est-ce qu’un peu de surnaturel est une nécessité vitale ?

À Rome, peut-être, pesanteur seulement.

Chez les Hébreux peut-être aussi. Leur Dieu était lourd.

Peut-être un seul peuple antique absolument sans mystique : Rome. Par quel mystère ? Cité artificielle faite de fugitifs, comme Israël.

Gros animal de Platon. — Le marxisme, pour autant qu’il est vrai, est entièrement contenu dans la page de Platon sur le gros animal, et sa réfutation y est contenue aussi.