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abandonné Dieu pour ce monde. Aimer Dieu comme le Verbe divin l’a aimé au moment où il était abandonné de ce monde et de Dieu. Avoir à la fois les deux amours. Ce double amour, dont chacun est impossible, et dont l’union est impossible au deuxième degré, c’est là l’amour du Christ qui passe toute connaissance.

Cet amour est constitué par une certaine attitude envers les choses d’ici-bas.

Dieu est toujours absent de notre amour comme de ce monde, mais présent en secret dans l’amour pur.

Quand la présence de Dieu dans l’amour est visible, c’est la présence d’autre chose que Dieu. Le Père céleste n’habite que dans le secret.

La signification de tous les mariages princiers des contes est enfermée dans la copla espagnole « Les amours possibles — sont pour les sots — Les sages ont — des amours impossibles ».


La pensée de la mort donne aux événements de la vie une couleur d’éternité. Si on nous donnait ici-bas la vie perpétuelle, en gagnant la perpétuité, notre vie terrestre perdrait cette éternité qui l’illumine par transparence.

« De ce tout, par le détachement, nourris-toi. » C’est le détachement qui rend toutes choses éternelles.


L’emploi de la prose dans l’Edda poétique pour les narrations reliant les fragments lyriques en vers suggère un état primitif de l’Iliade comme un mélange de prose et de vers. Ensuite quelqu’un aurait versifié cette prose en pastichant plus ou moins bien les parties poétiques, et ajouté des épisodes nouveaux, eux aussi plus ou moins bien pastichés. Le même serait sans doute responsable de presque tout ce qui concerne les dieux. Presque tout, c’est-à-dire tout, sauf 1) l’intervention des dieux dans l’action ; 2) les passages enfermant une signification profonde. À savoir : 1o Zeus qui étend sa balance en or ; 2o les paroles de Zeus à Héra (la chaîne d’or dont elle a été attachée) ; 3o, peut-être, le bouclier d’Achille.