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Je n’ai qu’une chose à ajouter. Croyez bien que, si vous refusez catégoriquement de vous engager dans la voie que je vous suggère, je le comprendrai très bien, et n’en resterai pas moins complètement convaincue de votre bonne volonté. Et je vous saurai toujours un gré infini d’avoir bien voulu vous entretenir avec moi à cœur ouvert comme vous avez fait.

Je n’ose vous parler de nouvelle entrevue, car je crains d’abuser ; pourtant j’aurais encore, pour ma propre instruction, des questions à vous poser (notamment sur vos premières études de chimie, et sur votre travail d’adaptation de l’outillage industriel pendant la guerre). Au reste, j’hésite de nouveau, pour les mêmes raisons qu’auparavant, à vous voir à l’usine. Je vous laisse le soin de régler la question.

Croyez à mes sentiments les meilleurs.

S. Weil.


P.-S. — Je n’ai plus aucun droit à vous demander de me faire le service d’Entre Nous, mais ça me ferait quand même bien plaisir.




Bourges, 16 mars 1936.
Monsieur,

Il faut que je m’excuse de vous accabler ainsi de mes lettres : vous devez me trouver, je le crains, de plus en plus empoisonnante… Mais votre usine m’obsède, et je voudrais en finir avec cette préoccupation.

Je me dis que peut-être bien ma position, entre vous et les organisations ouvrières, ne vous paraît pas nette ; que si, au cours de nos entretiens, vous avez confiance en moi (je le sens bien), vous me soupçonnez peut-être plus ou moins, après coup, de toutes sortes d’arrière-pensées. S’il en était ainsi, vous auriez tort de ne pas me le dire brutalement, et de ne pas me questionner. Il n’y a pas de véritable confiance, de véritable cordialité possible sans une franchise un peu brutale. De toutes manières, je vous dois compte de ma position en matière sociale et politique.

Je souhaite de tout mon cœur une transformation aussi radicale que possible du régime actuel dans le sens d’une