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sept pour un secret…

quand Jonathan croit cingler la bête, c’est votre sœur qu’il atteint, Isaïe, sans manquer une fois.

Il regardait le feu et une lueur sembla un moment passer dans ses yeux. Peut-être, se disait-il que s’il envoyait Rideout chercher sa sœur, rien ne la dissuaderait plus de venir très souvent.

— Et comment va la pauvre Émilie ? dit-il.

— La pauvre Émilie va comme d’habitude, Isaïe.

Et pour le moment on ne s’occupe plus d’Émilie, Mme Fanteague dénouait les brides de son chapeau. Elle était grande, sans l’être autant que son frère. Quand elle eu enlevé cette coiffure qui semblait, plutôt que cousue, bâtie de briques et de mortier, la ressemblance avec Isaïe s’accentua. Elle avait comme lui une belle tête, un front puissant mais bas et des traits bien marqués. Ses cheveux étaient construits exactement comme son chapeau et paraissaient sculptés, garnis en outre de peignes volumineux et de cinq grandes épingles en écaille jaune. Sa robe faisait l’effet de ne tenir que grâce à l’obstination farouche, de ses boutons de jais. Non que la dame fût grasse, mais elle avait une forte charpente, bien développée, et ses robes étaient toujours collantes à la façon d’une amazone. Pour tenir con col elle avait une grande broche carrée en porcelaine de Wedgwood, représentant une croix, une jeune femme et une colombe. Malgré ses questions réitérées, Gillian n’avait jamais pu se faire expliquer le symbolisme de cet ornement, qui restait, comme Isaïe, mystérieux et capable de bien des interprétations. Des poignets, tricotés par Émilie et agrémentés de perles terminaient ses manches, et une jupe aux plis épais descendait jusqu’à un pouce de terre. Assise là, elle donnait l’impression d’être invulnérable au moral comme au physique.