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SEPT POUR UN SECRET…

souhaité l’amour de Robert, elle avait été une Gillian Lovekin désirant qu’il l’aime. Mais plus maintenant, plus maintenant ! À présent, peu importait qu’il l’aimât ou non, pourvu qu’il lui fût permis, à elle, de l’adorer.

Tout avait disparu : on eût dit que le cottage et la ferme, que l’auberge et la lande, que tout fût compris dans le dégel, s’écoulât, emporté jusqu’à la mer. Et elle-même ? Elle aussi fondait, il ne restait presque plus de Gillian, plus rien que des larmes… des larmes qui ne voulaient pas couler, qui l’étouffaient et l’aveuglaient. Il ne restait rien au monde que le visage de Robert, endormi au milieu de cette tempête qui faisait rage autour d’elle. Et, soudain, elle pensa à une image du Christ marchant sur les flots et à Pierre, au pauvre Pierre englouti par les vagues et s’accrochant à ses pieds.

Elle se jeta à ceux de Robert, elle appuya sa joue mouillée sur la rude chaussette tricotée à la main du berger de son père, et lui serra les chevilles dans ses bras. Ses cheveux trempés traînaient à terre, des sanglots la secouaient et les larmes vinrent enfin.

Il semblait que le vent du Sud soufflât même sur Juliana Lovekin, que pour elle aussi le dégel fût venu.

Dans son sommeil d’épuisement, Robert eut vaguement conscience d’un trouble. Il s’était assoupi avec son dessein si arrêté dans l’esprit que la première pensée qui lui vînt fut qu’on le réveillait parce que le moment était arrivé. Il songea à sa mère, à la façon dont elle le tirait de son lit, les matins de chagrins enfantins, quand il devait aller chez le docteur faire panser un bobo, ou arracher une dent. Son cœur en ce moment défaillait de la même manière. Mais sa mère ne se serait pas blottie à ses pieds comme un pauvre petit être perdu. Il sentait quelque chose d’humide contre lui et une