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SEPT POUR UN SECRET…

— Tenez, Gillian, disait-il, prenez ceci. Il faut que je m’en aille avec M. Gentil, mais prenez ceci, parce que je vous aime. C’est mon cœur, Gillian Rideout.

En regardant le plat, elle vit que c’était vrai, et elle se réveilla en poussant un cri. Et maintenant il y avait cette lumière. C’était une chose inconnue à Dysgwlfas de laisser brûler une lampe jusqu’au lever du jour. Robert devait être malade. Elle se pencha par la fenêtre, torturée. Robert malade, et elle n’était pas près de lui ! Oh non, cela ne se pouvait pas : elle sanglotait et se tordait les mains. Car il était arrivé ce qu’avait dit Robert dans une de ses poésies. Il l’avait aimée au point qu’elle n’avait plus d’yeux ni d’oreilles pour elle-même, au point « qu’elle ne pouvait plus se supporter ».

Elle descendit dans la chambre où Ralph s’agitait et marmottait. Elle s’habilla rapidement, sans prendre le temps de se coiffer, et attacha ses cheveux avec un ruban. Elle entendait le vent secouer la fenêtre du corridor donnant au Sud, au point que les vitres semblaient se briser sous ses assauts. La pluie ruisselait sur le verre. La neige avait disparu, excepté au pied des haies situées au Nord et à l’Est, et sur les points les plus élevés de la lande et dans la friche. Mais la route qui menait à la ferme était transformée en rivière. Si ce chemin avait été droit, le vent y aurait porté Gillian, mais comme il était plein de sinuosités, elle marcherait souvent contre la tempête, ou à moitié, et elle serait battue, hors d’haleine et trempée quand elle arriverait. Elle se fit du thé et jeta des genêts secs dans le feu pour faire une flambée, car elle avait très froid après cette veille. Puis, son châle étroitement épinglé autour d’elle, elle se mit en route. Ce n’était pas un jour où même un laboureur, habitué à affronter n’importe quel temps, aurait voulu se risquer dehors. À mi-chemin, elle aperçut un mince filet de