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SEPT POUR UN SECRET…

tristement, et qu’est donc la vie de Gillian, sinon l’un d’eux auquel manque la sève qu’est l’amour ? En bas, dans la friche, se lamente le vent du Sud, et du marécage invisible monte un grondement incessant comme celui de la mer.

Pauvre enfant, dors-tu encore pendant que le meilleur de la vie s’écoule ? As-tu oublié M. Gentil ? N’as-tu eu aucune intuition de ta part de responsabilité dans le crime de Ralph Elmer — crime qui a commencé bien avant qu’il ne vit la friche, qui a débuté quand il a pris une femme pour compagne par crainte de Fringal et des racontars, qui a continué quand il en a pris une autre, contraint par Isaïe, mêlant la tromperie à la cupidité et à la passion ?

Dans ce crime, comme dans sa conduite à l’égard d’Émilie, de M. Gentil et des lapins, la responsabilité de Gillian Lovekin venait de ce qu’elle pensait uniquement à elle. C’est pour elle qu’elle s’était mariée, pour elle qu’elle s’était abandonnée aux bras de Ralph, pour elle qu’elle avait repoussé Robert. Elle était tellement enivrée d’elle-même que, tandis qu’elle aurait pu enfermer dans sa poitrine, comme un oiseau blotti au nid, ailes repliées, l’âme même palpitante d’un homme, elle ne s’en rendit jamais compte, mais, au lieu de cela, emplit ses mains de dons inutiles.

Gillian, entends-tu le coup de feu qui, dans si peu d’heures, éclatera au cottage de Dysgwlfas ? La détonation qui, pour toi, devrait retentir dès à présent, car une femme est vraiment une créature insensée si l’amour ne lui fait pas prévoir l’avenir. Les amants peuvent entendre les bruits futurs aussi bien que ceux du passé. Si toutes les femmes du monde entendaient ainsi ce qui se prépare, elles percevraient le fracas de la guerre à temps pour l’arrêter. Une amoureuse sent le