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SEPT POUR UN SECRET…

mort si difficile, la pauvre Ruth qui gisait sous la neige. Ce n’était pas la tendresse qui rendait la chose si dure, ni l’amour, c’était la passion sensuelle. Il y a un charme mélancolique à quitter pour toujours un jardin aimé dans la paix du soir, quand les oiseaux rêveurs ne gazouillent plus, que les couleurs s’effacent et que la douceur du jour est passée et devenue un souvenir, mais le quitter dans toute la splendeur vierge de l’aurore ! Oh, non, non, Dieu de la jeunesse et de la virilité, non !

« Je l’ai dit, c’est comme si c’était fait », se répétait Robert, et il traversa la cuisine d’un pas lourd pour aller chercher sa plume sur le dressoir. Il fallait que sa lettre fût décisive, concluante, il fallait qu’elle le condamnât sans discussion possible… et il fallait l’écrire sur-le-champ.

Mourir pour un homme qu’il haïssait !

Pourtant Gillian aimait cet homme.

Voilà ce qu’il se remémorait quand il se révoltait. Trempant sa plume dans l’encre, il commença. Il fallait mettre sa mort à lui sur le compte de la conscience. C’était cela ! Il avait tué Ailse Johnson dans la petite friche et ensuite il n’avait pas pu supporter la vie, tant sa victime le hantait. Il obligea son imagination à descendre dans les replis du cerveau d’un meurtrier. Un assassin, tout seul, près de l’emplacement de son crime, couvert de neige, pouvait aisément être obsédé par l’idée de son forfait au point d’en perdre presque la raison et d’être poussé au suicide. Robert avait le cœur soulevé d’être occupé de ces pensées de mort, mais ce n’était pas encore le pire.

Pourquoi Robert Rideout avait-il tué Ailse Johnson ?

Voilà une question embarrassante, pour sûr ! se dit-il.

Il regarda la fenêtre, toute voilée de neige, il considéra l’horloge, le feu.