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SEPT POUR UN SECRET…

charmant crépuscule, de la neige pour faire une couverture… et le silence, une solitude absolue… l’oubli.

L’esprit du bien en Ralph, celui que sa mère avait aimé, que Gillian avait parfois entrevu, gémit : « Non ! » Mais l’esprit du mal le fit taire. À quoi Ruth était-elle bonne pour elle-même ou pour n’importe qui ? Les voix continuaient, les flocons chuchotaient avec ardeur, ils le séparaient du monde, ils lui donnaient l’assurance que personne ne saurait jamais rien. L’impulsion soudaine, irrésistible qui fait commettre plus de crimes que tout au monde emporta Ralph Elmer.

Il épaula et fit feu. Ruth tomba en avant sans faire entendre un son. Elle glissa dans l’éternité enveloppée de la paix de son amour, comme la chrysalide d’une libellule descendrait un courant dans une fleur de nénuphar. La friche, pour elle, n’avait certainement pas été sauvage, mais bienveillante.

Tandis que Ralph jetait un regard circulaire, elle avait cet air de contentement que semblent prendre certains endroits quand ce qui était prévu, ce qui devait y arriver, s’est enfin produit.

Ralph s’était soudain ressaisi, il se sentait calme, détaché, n’ayant pas du tout l’impression d’avoir commis un meurtre. Pourtant il n’avait pas envie, sans bien savoir pourquoi, de rentrer immédiatement. Il ramassa ses lapins et passa dans le pré des moutons. Robert, qui s’était arrêté à la détonation, se dirigea vers lui. Ralph fut d’une amabilité peu habituelle, il était gai, et il sembla curieux à Robert qu’un homme, dont le visage était ruisselant de sueur — il le voyait nettement à la lueur de la lune montant dans le ciel — (sueur qui par un temps pareil ne s’expliquait guère) eût ces façons affables, presque affectueuses.

D’ordinaire ils se parlaient à peine. Comme sur l’ordre