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SEPT POUR UN SECRET…

neige tomberait et envelopperait Dysgwlfas et où, quelque part dans ces amas blancs, il aurait à combattre aveuglément ses élans, ses désirs, pour sauver son amour, pour conserver le printemps à Gillian et Gillian au printemps.

Il n’était tombé qu’un peu de neige jusqu’au vendredi et Ruth avait tous les matins ramassé du bois dans la friche, se préparant aux mauvais temps. Les gros nuages gris et moelleux descendaient de plus en plus bas comme pour séparer Dysgwlfas du reste du monde, afin que rien ne vienne troubler le drame qui allait s’y jouer. Les vanneaux poussaient des cris plus sauvages à travers le marécage, et les appels des hiboux retentissaient la moitié de la nuit dans le petit bois, car la lune était dans son plein et leur chasse était acharnée et facile.

Là-bas, de l’autre côté des montagnes sombres, Johnson, sans que Robert s’en doutât, s’était mis en route pour l’auberge de la Sirène, car la Bohémienne lui avait parlé d’une femme qui y habitait et qui, bien que ne pouvant parler, semblait savoir leur langue et avait de grands yeux noirs et lumineux.

Gillian et Ruth passèrent la matinée du vendredi à préparer la fête. Elles coupèrent une montagne de tartines beurrées et Ruth remit au lendemain sa récolte de bois : elle pourrait alors, à moins que la neige ne vînt plus tôt qu’on ne l’attendait, en ramasser toute la journée. Il y avait tant de choses à faire pour le moment : laver le plancher avec de l’eau et du lait pour le faire briller, épousseter le joli service en porcelaine. Robert ne ferait attention à rien de tout cela, mais peu importait. Est-ce que les bonnes âmes simples qui tous les dimanches s’en vont à travers champs à l’église, scrupuleusement vêtues de leurs plus beaux habits, un