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SEPT POUR UN SECRET…

plus seulement à soigner Émilie, avec son entourage de têtes de chérubins, mais aussi ïsaïe, si vexé d’être abattu qu’il n’arrêtait pas de grogner et ne supportait personne dans sa chambre, en dehors de sa sœur. Il y avait en outre Gillian, venue pour aider, mais qui était en réalité un embarras, car elle n’avait pas encore beaucoup appris l’abnégation. Et il y avait encore Abigaïl Makepeace, venue pour l’enterrement de son mari, et qui ressemblait à un oiseau perdu dans un désert immense, maintenant qu’elle n’avait plus personne à faire marcher. Elle se tenait dans la cuisine, avec la femme de ménage, pleurait et, par intermittences, parlait à travers son tablier. Elle avait l’esprit tellement troublé de n’avoir plus à surveiller les distractions de Jonathan qu’elle parlait indifféremment de ses deux maris sans faire de distinction, si bien que la femme de ménage ne sut jamais si c’était John Rideout « qui aurait presque eu besoin d’un biberon, le pauvre cher homme », ou si c’était Jonathan Makepeace, auquel « il ne fallait qu’un mot, et le bon, mais jamais plus ». Ainsi, la servante ne rendit plus aucun service à Mme Fanteague, tant elle avait la tête farcie de Jonathan-John, dont il lui était impossible de saisir la gigantesque, confuse et contradictoire personnalité.

Ce fut vraiment une période capitale dans la vie de Mme Fanteague. Les dons qui faisaient d’elle une femme d’initiative et de ressources furent enfin mis en pleine valeur. C’était d’ailleurs une telle joie de pouvoir, en toute conscience, dire à la femme du pasteur qu’il n’y avait personne pour mettre la main à la pâte en dehors d’elle. Elle se lamentait même mieux sur Jonathan que sa femme, elle sut quel texte de la Bible il aurait aimé sur sa pierre tombale — ou si elle ne le savait pas, elle en choisit du moins un très approprié « Telle une histoire