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SEPT POUR UN SECRET…

thé dehors, sur la lande, et passèrent un joyeux moment. Robert demanda comment marchaient les leçons, il fallut donc lui montrer comme Ruth écrivait bien son nom. Il fut très surpris — peut-être manifesta-t-il même plus d’étonnement qu’il n’en éprouvait — quand s’étalèrent sur la page les quatre grandes lettres carrées et un peu tremblées R U T H.

— Voilà bien un beau nom, dit-il de son ton bienveillant, plaisant et paternel. Et que savez-vous encore, Ruth ?

Elle regarda le papier, puis Gillian, et enfin Robert. Rien ne lui venait, elle ne trouvait rien d’autre.

— Elle ne peut encore rien écrire d’elle-même, expliqua Gillian, inquiète comme la mère d’un enfant arriéré. Elle est incapable de se rappeler et de tracer quelque chose, elle ne sait écrire que ce que je lui dis.

— Eh bien, dit Robert, avant que je ne revienne, apprenez-lui à écrire Esmeralda.

— Esmeralda ?

— Oui. Ruth, connaissez-vous ce nom-là, Esmeralda ?

Était-ce un vacillement des grands yeux sombres, ou n’y avait-il en eux qu’amitié, gratitude et confiance ?

— Peu importe, continuez, dit Robert.

Ah, quelle soirée ! Comme l’or du couchant coulait du ciel dans leurs cœurs ! Comme les deux amoureux, qui ignoraient mutuellement leur amour, et celle qui les aimait tous les deux, jouissaient de la pure camaraderie, ravis d’être réunis. Quel goût merveilleux avaient les tartines de pain et de beurre coupées par Robert — dont les mains, pour dire toute la vérité, n’étaient pourtant pas très propres —, parce qu’il avait porté la bouilloire. Et quel breuvage divin que ce thé fait par Gillian ! Avec quel air heureux Ruth courait de côté et d’autre