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SEPT POUR UN SECRET…

petit matin sur les montagnes, celui qui soulevait les cheveux d’Antoine dans les bras de Cléopâtre, ceux des amants de Thaïs, ceux de Pâris, de Tristan et de tant d’autres depuis longtemps oubliés, au désert ou dans les forêts.

Gillian gisait immobile dans les bras d’Elmer, cils bruns baissés sur des joues rouges, passive et subissant un charme qu’elle était impuissante à briser, possédée d’un désir soudain et torturant. Son cœur battait précipitamment dans le silence, comme fuit une biche poursuivie dans une forêt obscure. Que c’était à Robert qu’elle désirait se donner, elle ne s’en souvenait plus.

Mais pendant cette longue nuit, tandis qu’elle s’abandonnait dans les bras d’Elmer, pâmée et pleurant, en extase et épouvantée, elle apercevait par moments, dans la lueur grisâtre de la fenêtre, les yeux enfoncés de Robert, pleins de colère, la bouche de Robert contractée de fureur. Il était réveillé, elle le savait, réveillé aux Gwlfas et songeant à elle. Il était courroucé parce qu’on l’avait volé. Mais était-il juste qu’il fût fâché de perdre ce qu’il n’avait pas demandé ? À cette pensée, elle était remplie d’amertume. Quand les rayons de lumière commencèrent à se dorer aux fentes des persiennes, quand elle comprit que le matin était venu et qu’elle allait avoir à affronter Robert, elle eut cette impression léthargique qu’éprouvent ceux qui s’éveillent pour une journée de souffrances prévues. Et quand Ralph sortit d’un bref sommeil agité et la prit de nouveau dans ses bras, elle se sentit honteuse, mécontente et pleine de mépris. C’était donc uniquement cela qui se cachait derrière la porte verrouillée que défendaient si soigneusement les matrones ! C’était pour découvrir ce secret qu’elle avait sacrifié sa virginité ! Non, ce n’était pas tout. Il n’y avait pas d’amour là-dedans, c’était une lampe sans