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SEPT POUR UN SECRET…

composait de deux êtres, un joyeux et un sévère, qui ne pouvaient jamais se mettre d’accord.

Elmer avala une chope, rayée bleu et blanc, d’ale mousseuse et ils poursuivirent leur route en compagnie d’autres cabriolets et de retardataires qui se rendaient au champ de foire, tels qu’un troupeau de moutons, et d’une grosse truie tachetée de boue, avec huit gorets soyeux et rose pâle.

Ils entrèrent dans la cour de l’auberge et Elmer envoya Gillian s’informer de l’heure de la table d’hôte des fermiers, et s’ils pouvaient avoir de la place au premier service. Puis il détela son cob et le conduisit dans la grande écurie où, par une haute fenêtre voilée de lierre, ne pénétrait qu’une faible lumière verte, et où le silence n’était coupé que par des froissements de foin tiré des râteliers, des bruits de sabots ferrés sur le pavé et la respiration ou les ébrouements des chevaux. Elmer attacha le cob, l’étrilla et le frotta, tira de sa poche une pince, prit entre ses genoux un des pieds de devant de l’animal et arracha le fer. Après quoi il sortit de l’écurie dont il referma la porte, jeta le fer sur le fumier et rejoignit Gillian dans le vestibule où elle parlait à la patronne.

La propriétaire de l’auberge était une personne si respectable qu’il était impossible de l’imaginer dans une situation qui ne fût pas d’une suprême correction. Penser à cette femme prenant un bain était pure inconvenance. L’imaginer bercée à sa naissance était impossible. Si elle ne pouvait exister sans être mise au monde, alors elle n’existait pas. Et elle ne devrait jamais mourir, parce qu’il n’était pas possible de se la figurer gisant sans son air digne et empesé. Sa main droite reposait sur une table de chêne où s’alignaient des rangées de chandeliers garnis de bougies très