Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— De quoi riez-vous ? De moi ? demanda Isaïe.

— Grand Dieu, non, monsieur.

— De la coquine qui vous tient ?

— Ah oui, c’est ça, dit Robert assez rudement, car il savait très bien quelle terrible rebuffade il allait recevoir de Gillian, c’est à la coquine que je pense.

— Eh bien, allez, s’il le faut, dit Isaïe, vous ne valez pas mieux qu’étant gamin, toujours à vous révolter. Et puis vous feriez pas mal de donner des barbotages chauds à la jument. Elle est en mauvais état, que c’en est honteux.

— Parfaitement, monsieur, et merci bien.

Robert soigna lui-même la jument, bien que cela lui prit un temps dont il avait réellement besoin. Tout en s’en allant ensuite vers le Donjon, et de là à l’embranchement — d’heureuse mémoire — pour y attraper le train de minuit pour Silverton, il commençait à sentir qu’il avait eu une journée plutôt remplie. Et voyant qu’il avait reçu de la Providence — et en recevrait, pensait-il — plus de gifles que de pommes, il voulut compenser cela en songeant à une petite chanson. Mais il ne la chanta pas. Sans trop savoir pourquoi il ne tenait pas à ce que même les lapins qui traversaient la route aux rayons de la lune, ou la chouette en chasse qui faisait une tache légère, entendissent sa chanson. Personne, pas même Gillian, ne la connaîtrait jamais, Gillian moins que personne. Alors, à quoi bon la composer ?

« Mais si tu commences à te demander pourquoi, mon garçon, s’admonesta-t-il, tu t’engageras sur la route sans fin. »

Et en avançant sur les sentes à moitié inondées où il s’éclaboussait, et où tous les arbres s’égouttaient sur