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haut, un nœud de cravate tout fait, un gilet blanc et une jaquette, et il avait des manchettes.

Gillian comprit qu’il aurait trouvé Robert très commun, car quand on lui demanda ce qu’il prendrait il répondit « un peu de confiture », tandis que Robert aurait dit « de la marmelade, merci beaucoup » et, en aurait pris à pleine cuillère.

M. Gentil ne paraissait pas s’inquiéter de savoir s’il en avait ou non, ce qui stupéfia Gillian.

— Combien d’airs pouvez-vous chanter, Monsieur ? demanda-t-elle.

— Mon Dieu, Mademoiselle Lovekin, j’en ai six dans ma serviette, mais nous nous contentons généralement de deux. C’est notre limite, je crois, n’est-ce pas Émilie ?

Elle acquiesça.

— Mais ce soir, implora Gillian, chantez-les tous, et, si vous êtes enroué après, j’ai de la réglisse que m’a achetée Robert.

— Qui est Robert, ma chérie ?

La question venait d’Émilie, qui se sentait ce soir-là en veine de romanesque. M. Gentil prit un air malicieux.

— Oh, dit Gillian, le vacher-berger, tout simplement.

L’attitude de M. Gentil indiqua que la réglisse d’un vacher-berger ne saurait en aucun cas adoucir le larynx d’un Charles Ier.

— Si Émilie veut bien m’accompagner, dit-il, je chanterai pour commencer Reine du monde.

Émilie ne demandait pas mieux.

M. Gentil avait une voix de fausset qui chevrotait légèrement. Le pathétique de la scène, Émilie, la pauvre et triste Émilie, Reine du monde avec M. Gentil pour soupirant, le pauvre M. Gentil qui, en cinquante-cinq ans, n’avait jamais senti la flamme divine, jamais été tenté