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Soudain elle eut pitié d’Émilie qui restait là si tranquille, mangeant à peine, se préparant aux rêves dont elle allait jouir dans trois heures. Il n’était pas dans la nature de Gillian de s’affliger pour autrui, et quand elle plaignait quelqu’un elle le méprisait. Pourquoi tante Émilie était-elle devenue comme cela ? Pourquoi ne s’était-elle pas fait enlever par M. Gentil ? En regardant de nouveau le portrait de ce dernier, elle s’étonna moins. Mais, elle avait cette courtoisie innée qu’on trouve chez la plupart des campagnards, si rudes qu’ils soient.

— Ç’a l’air d’être un homme très agréable, dit-elle.

— Sa ressemblance avec Charles Ier, de glorieuse mémoire, dit la tante Émilie, passe pour être frappante.

— C’est celui qui a eu la tête ?…

— La ressemblance physique est la seule analogie, dit la vieille fille, non sans raideur.

Gillian se demandait si, au cas où tante Émilie s’oublierait au point de demander un baiser, M. Gentil se conduirait comme avait fait Robert. M. Gentil était-il capable d’un brusque accès de colère avec un regard en dessous qui vous faisait chaud et froid ? Elle ne le croyait pas. Puis sa pensée se porta sur sa tante Fanteague, au sujet de laquelle il y avait et avait toujours eu un mystère. Il existait un M. Fanteague, mais où était-il ? que faisait-il ? qui lui préparait ses repas et lui faisait son lit ? personne ne paraissait le savoir. Il était aussi mystérieux que la Sainte-Trinité.

— Tante Em’, dit tout à coup. Gillian en se jetant sur le tapis aux genoux gris de Mlle Émilie, tante Em’, parlez-moi, je vous en prie, de M. Fanteague.

La vieille fille resta saisie, mais fut dispensée de répondre car sa sœur se tenait sur le seuil.

M. Fanteague, Gillian, est un feu follet qui voltige