Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Émilie, fait entrer cette enfant. Elle meurt de faim. Moi, je vais m’occuper de la malle. Tante Émilie prit les devants.

Grande et mince, elle semblait avoir trop d’os dans la figure, si bien que, quand elle parlait, on s’attendait à les entendre claquer les uns contre les autres. Elle avait le front ridé, le menton pointu, une bouche sérieuse et des yeux qui, semblait-il, venaient juste de cesser de pleurer. Elle était vêtue de gris, avec un petit nœud mauve. Ses cheveux grisonnants étaient noués sur la nuque et tenus par un filet, au lieu d’être échafaudés comme ceux de la tante Fanteague.

Dans le salon, la table était préparée pour le thé, et un bon feu de charbon « raisonnable » brillait dans la cheminée. Il y avait un piano, véritable boîte à musique, une vitrine ovale remplie de fauvettes empaillées, deux armoires vitrées contenant des porcelaines, une table à whist et plusieurs panneaux peints sur velours et encadrés, une grande photographie, signée Hubert Gentil, dans un cadre de peluche, un morceau de charbon supposé renfermer un diamant et qui devait dans la suite valoir beaucoup d’ennuis à Gillian : au bout de quelques semaines, incapable de supporter cet objet soi-disant sans prix, elle le mit à l’épreuve avec un couteau de poche. Comme tout morceau de charbon il se brisa. Il n’y avait aucun diamant, et il ne restait pas non plus de charbon ; or c’était un héritage, mieux que cela, une croyance. Le jour où devant ses débris elle dut affronter sa tante Émilie, Gillian eut conscience d’être vraiment une fille de l’enfer. Aux murs étaient accrochées d’innombrables photographies, toutes piquées et légèrement jaunies. On eût dit qu’elles représentaient des gens n’ayant jamais pu vivre réellement. Les dames portaient des chignons,