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droit de revendiquer, outre son salaire, le profit des capitaux engagés dans l’exploitation et la rente du sol exploité. Je ne sors plus de là. Je me suppose agriculteur dans la république de M. Proudhon : la profession me paraît éminemment agréable et lucrative. M. Proudhon m’affirme que le résultat total agricole est le fait de mon travail ; que je n’ai pas plus à payer l’usage du sol que le service de mes instruments ou que les pluies du ciel ; que le prix des produits m’appartient en intégrité. Je le prends au mot. Je m’oppose à toute distinction fondamentale entre mon salaire et le profit, entre mon salaire et la rente.

Mais que signifient donc, au fait, et ces remords tardifs de l’auteur, et cette conversion subite et inattendue ! J’y suis.—C’est que M. Proudhon, je m’en souviens à présent, débutait en annonçant l’intention d’établir comme quoi la rente foncière devait être absorbée intégralement par l’impôt. C’est qu’après avoir arraché la rente au propriétaire foncier pour l’attribuer au travailleur, il veut à présent la reprendre au travailleur pour la donner à l’État.

Suivez la chaîne du raisonnement :

Il est impossible de séparer distinctement et avec précision la rente du salaire (p. 317).

Donc, au fond, la rente est la récompense du travail ; elle est son salaire légitime, elle lui appartient (p. 319).

En conséquence, la rente est le revenu naturel de l’État (p. 324).

Voilà, par exemple, une façon de raisonner, ou plutôt de déraisonner, qui serait trop commode