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ruinée, moi premier ; vous l’avez vilipendée, vous deuxième. Nous ne sommes point des imbéciles, vous devez le croire : eh bien ! vous nous avez dit, en termes précis, que la terre n’était inoccupée qu’en apparence. Sans doute, il en est de même de ses produits. Je vous défie de me faire voir un instrument de travail, un procédé industriel, une idée qui soient restés un seul instant inoccupés du moment qu’ils étaient valables et échangeables. Vous ne fonderez jamais le droit de propriété sur la préhension des choses inoccupées : il n’y a rien qui ne soit occupé. Cette théorie est d’ailleurs aussi complètement inutile ici qu’elle est partout ridicule.

La préhension, l’usurpation, la conquête, l’appropriation, tout ce qu’il vous plaira, ne constitue donc pas un droit ; mais comme tout, dans l’économie sociale, a son commencement dans une préhension préalable, on est convenu de reconnaître pour légitime propriétaire le premier qui a saisi la chose : c’est ce qu’on appelle, par une pure fiction de la loi, le droit de premier-occupant.

Eh donc ! que ne le disiez-vous tout de suite en commençant ? Que n’avouiez-vous que vous vous payez de fictions, et que vous entrepreniez la défense du droit de premier occupant. Parbleu ! je n’eusse perdu ni mon temps ni ma peine à l’attaquer contre vous. Je vous eusse renvoyé tout droit à Jean Lapin qui, voici de cela deux cents ans, disait :

Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?

Ce n’est que plus tard, lorsque ce premier-occupant entre en rapport d’économie avec ses semblables, que la propriété tombe définitivement sous le coup de la Justice.

Il fallait à toute force que M. Proudhon revînt