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le droit lui est inhérent. Elle est un fait moral.

Ou bien la propriété est un fait fatal. Et alors, propriété, vol, possession, c’est tout Un. La propriété est de tout point, en tous cas, complètement indifférente à la justice. Toute manifestation de la volonté de l’homme est étrangère au droit, comme tout fait naturel. La volonté de l’homme n’est qu’un instinct aveugle ; l’homme lui-même une brute. Justice et droit sont des mots que l’humanité prononce dans le délire d’un orgueil ridicule.

Vous qui prétendez trouver dans le cœur même de l’homme et dans sa raison la règle de sa volonté et de sa conduite, vous qui fondez la morale individuelle et sociale sur le sentiment qu’a l’homme de sa dignité en lui-même et en autrui, sur la justice immanente — choisissez.

Mais il est clair qu’il n’en peut être ainsi, puisqu’autrement le moi devrait être réputé juste et saint dans tous ses actes, dans la satisfaction quand même de tous ses besoins de toutes ses fantaisies ; puisque, en un mot, ce serait ramener la Justice à l’égoïsme, comme le faisait le vieux droit romain par sa conception unilatérale de la dignité.

La doctrine qui fonde le droit sur le besoin était aussi bien inutile à réfuter qu’à citer. Cette façon de pourfendre des moulins à vent imaginaires est puérile.

Il faut, pour que la propriété entre dans la société, qu’elle en reçoive le timbre, la légalisation, la sanction.

Or, je dis que sanctionner, légaliser la propriété, lui donner le caractère juridique qui seul petit la rendre respectable, cela ne se peut faire que sous la condition d’une balance ; et qu’en dehors de cette réciprocité nécessaire ni les décrets du prince, ni le consentement des masses, ni les licences de l’Église, ni tout le verbiage des philosophes sur le moi et le non-moi, n’y servent de rien.