Page:Wallace - La sélection naturelle, essais, 1872.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
PROTECTRICES DES ANIMAUX.

teintes protectrices sur la face interne de leurs ailes.

Ils sont un peu dans la même situation que ces curieux oiseaux des îles océaniques, le dodo, l’aptéryx et le moa, chez qui, selon toute probabilité, les ailes sont devenues rudimentaires par suite de l’absence de quadrupèdes carnivores. Nos Héliconides ont été protégées d’une autre façon, mais tout aussi efficacement : il en est résulté que, l’espèce n’étant pas appelée à s’enfuir devant un ennemi, les individus au vol lent n’ont pas été détruits, les variétés aux couleurs brillantes n’ont pas été exterminées, pour ne laisser subsister que celles qui tendaient à se confondre avec les objets environnants.

Étudions maintenant de plus près comment doit agir ce mode de protection. Les oiseaux insectivores des tropiques se tiennent fréquemment sur des branches mortes d’arbres élevés, ou sur celles qui dominent un sentier ; ils regardent attentivement autour d’eux, s’élancent de temps à autre à une grande distance pour saisir un insecte, et reviennent à leur station pour le dévorer. Un oiseau qui aurait une fois commencé à capturer ces Héliconides au vol lent, et aux couleurs voyantes, et les aurait chaque fois trouvées si désagréables qu’il n’aurait pas pu les manger, y aurait renoncé après quelques tentatives ; leur apparence générale, leur forme, leur couleur, leur manière de voler, sont si spéciales que l’oiseau apprendrait sans doute bien vite à les reconnaître de loin ; il ne perdrait plus alors son temps à les poursuivre. Dans ces circonstances, il est clair que tout autre papillon appartenant