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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

couleur ne les protège pendant leur repos, car la face inférieure de leurs ailes offre une teinte tout aussi apparente que la face supérieure, quand ce n’est pas la même ; et on peut les observer après le coucher du soleil, suspendus au bout d’une branche ou d’une feuille, dont ils font leur station pour la nuit, d’ailleurs complètement exposés aux attaques de leurs ennemis, s’ils en ont. Mais ces beaux insectes possèdent une forte odeur, très-âcre, plus ou moins aromatique ou médicinale, qui semble répandue dans tous les liquides de leur système. Lorsque l’entomologiste serre entre ses doigts la poitrine de ces animaux pour les tuer, il en sort un suc jaune qui tache la peau, et dont l’odeur est si persistante qu’on ne peut s’en débarrasser qu’avec le temps et par des lavages réitérés.

C’est là probablement ce qui met ces animaux à l’abri des attaques ; car nous avons plusieurs preuves du fait que certains insectes répugnent tellement aux oiseaux que ceux-ci ne les touchent dans aucune circonstance.

M. Stainton a observé qu’une couvée de jeunes dindons dévora avec avidité tous les papillons sans valeur qu’il avait récoltés dans une nuit de chasse « à la miellée, » mais tous prirent et rejetèrent, l’un après l’autre, un petit papillon blanc, qui se trouvait dans le nombre. Les jeunes faisans et les jeunes perdrix, qui mangent beaucoup d’espèces de chenilles, paraissent redouter absolument celle de la phalène du groseillier qu’ils ne touchent jamais ; la mésange ainsi que d’autres petits oiseaux semblent aussi éviter cette espèce-là.

Dans le cas des Héliconides, nous avons une preuve