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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

celles du sable et de la pierre à tel point qu’on ne le découvre qu’en marchant dessus.

Le duc d’Argyll, dans son Règne de la loi, a fait remarquer combien la nuance de la bécasse concourt à sa protection. On retrouve dans son plumage toutes les teintes brunes, grises et jaunes des feuilles sèches où elle se pose d’ordinaire : les bécassines reproduisent les nuances et les formes caractéristiques de la végétation des marais. M. J. M. Lester, dans un travail lu à la Société d’histoire naturelle du collège de Rugby, observe « que le ramier, quand il est perché sur les branches du sapin, son arbre de prédilection, est à peine visible, tandis que s’il se tenait sur des arbres d’un feuillage plus clair, les teintes bleues et violettes de son plumage le trahiraient aussitôt. De même le rouge-gorge se pose habituellement sur des feuilles sèches, de sorte que sa poitrine rouge s’harmonise avec leurs nuances roussâtres, le brun de son dos avec les branches, le rendant moins apparent qu’il ne serait ailleurs. »

Nous retrouvons le même phénomène chez les reptiles. Les lézards qui vivent sur les arbres, les iguanes, sont aussi verts que les feuilles dont ils se nourrissent : le philodryas viridissimus, grâce à sa couleur, est presque invisible quand il rampe dans le feuillage. Il est difficile d’apercevoir une petite grenouille verte (rainette), sur les feuilles d’un buisson placé sous verre dans un Jardin zoologique ; combien plus dans les forêts marécageuses et toujours vertes des tropiques ! Il y a dans l’Amérique du Nord une grenouille qui