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INDÉFINIMENT DU TYPE PRIMITIF.

On admet souvent que l’abondance d’une espèce dépend avant tout de sa plus ou moins grande fécondité. Mais les faits nous feront voir que cette condition n’y est que pour peu de chose, on pour rien. L’animal le moins prolifique se multiplierait rapidement, si rien ne s’y opposait ; tandis qu’évidemment la population animale du globe doit rester stationnaire, ou même diminuer, sous l’influence de l’homme. Des fluctuations peuvent se présenter. Mais une augmentation permanente est presque impossible, excepté dans des régions limitées.

Par exemple, l’observation nous fait voir que le nombre des oiseaux ne s’accroît pas annuellement suivant une progression géométrique, ainsi que cela aurait lieu, si quelque obstacle puissant ne s’opposait à leur multiplication. Presque tous les oiseaux produisent au moins deux petits chaque année ; beaucoup en ont six, huit ou dix ; la moyenne est certainement supérieure à quatre ; si nous admettons que chaque femelle ait des petits quatre fois dans sa vie, nous resterons encore au-dessous de la moyenne, supposant qu’ils ne périssent pas par la violence ou le manque de nourriture. Cependant, à ce taux-là, à quel chiffre énorme s’élèverait la postérité d’un seul couple en quelques années ! Un calcul simple montre qu’en quinze années elle atteindrait presque le nombre de dix millions[1]. En réalité, nous n’avons aucun motif pour croire que le nombre des oiseaux d’un pays s’accroisse d’une quantité quelconque

  1. Cette estimation est au-dessous de la réalité, qui porterait ce nombre à 2 milliards.