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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

Telles sont par exemple celles dont dépendent les idées d’espace et de temps, d’éternité et d’infini, celles qui font trouver dans des combinaisons de formes et de couleurs de vives jouissances artistiques, celles enfin qui par les notions abstraites de forme et de nombre ont rendu possibles les sciences mathématiques. Comment l’une ou l’autre de ces facultés a-t-elle pu commencer à se développer, puisqu’elle ne pouvait être d’aucun usage à l’homme dans son état primitif de barbarie ? Comment la sélection naturelle, ou la survivance des plus aptes, ont-elles pu favoriser le développement de facultés si éloignées des besoins matériels du sauvage et qui, malgré notre civilisation relativement avancée, sont, dans leur plus complet épanouissement, en avance sur notre siècle, et semblent plus faites pour l’avenir de notre race que pour son état actuel ?


Origine du sens moral.


Nous retrouvons cette même difficulté, quand nous cherchons à nous rendre compte de l’origine du sens moral ou de la conscience chez l’homme sauvage, car, bien que la pratique de la bienveillance, de l’honnêteté, de la véracité, ait pu être utile aux tribus qui l’exerçaient, cela ne nous explique pas l’idée de sainteté attachée aux actions que chaque tribu considère comme bonnes et morales, en opposition avec celles qui sont tenues pour simplement utiles, et qui sont appréciées tout autrement. L’hypothèse utilitaire (qui