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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

sauvage, sinon la satisfaction de ses appétits par les moyens les plus simples et les plus faciles ? Où sont les pensées, les idées ou les actions qui l’élèvent beaucoup au-dessus du singe ou de l’éléphant ? Cependant, il possède, nous l’avons vu, un cerveau infiniment supérieur au leur en dimension et en complication, et ce cerveau lui donne des facultés à l’état rudimentaire dont il n’a jamais besoin. Si cela est vrai des sauvages de notre temps, à combien plus forte raison cela doit-il l’être de ces hommes dont les seuls outils étaient de grossiers silex, et qui, au moins en partie, étaient probablement plus dégradés qu’aucune race aujourd’hui existante ? Et cependant les seules données que nous possédions à leur sujet, nous les montrent doués d’un cerveau tout aussi volumineux que celui de la moyenne des races sauvages les plus arriérées.

Ainsi, soit que nous comparions le sauvage au type le plus perfectionné de l’homme, soit que nous le comparions aux animaux qui l’entourent, nous arrivons forcément à conclure qu’il possède dans son cerveau grand et bien développé, un organe tout à fait hors de proportions avec ses besoins actuels et qui semble avoir été préparé à l’avance, pour trouver sa pleine utilité au fur et à mesure des progrès de la civilisation. D’après ce que nous savons, un cerveau un peu plus grand que celui du gorille aurait pleinement suffi au développement mental actuel du sauvage. Par conséquent la grande dimension de cet organe chez lui ne peut pas résulter uniquement des lois d’évolution, car celles-ci ont pour caractère essentiel d’amener chaque espèce à