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PAR LA SÉLECTION NATURELLE.

ne sera inférieur aux plus nobles spécimens de l’humanité actuelle. Notre progrès vers ce résultat est très-lent, mais semble pourtant réel. Le moment actuel est une période anormale de l’histoire du monde, parce que les merveilleux développements de la science et ses vastes conséquences pratiques ont été donnés à des sociétés qui sont moralement et intellectuellement trop peu avancées pour en savoir faire le meilleur usage possible, en sorte que pour elles ils ont été un mal autant qu’un bien. Parmi les nations civilisées d’aujourd’hui il ne semble pas possible que la sélection naturelle agisse de manière à assurer le progrès permanent de la moralité et de l’intelligence, car ce sont incontestablement les esprits médiocres, sinon les plus inférieurs à ce double point de vue, qui réussissent le mieux dans la vie et se multiplient le plus rapidement. Cependant il y a positivement un progrès, en somme permanent et régulier, soit dans l’influence d’un sens moral élevé sur l’opinion publique, soit dans le désir général de culture intellectuelle. Comme je ne puis attribuer ce fait à la survivance des plus aptes, je suis forcé de conclure qu’il est dû à la force progressive inhérente aux glorieuses facultés qui nous élèvent si fort au-dessus des autres animaux, et qui nous fournissent en même temps la preuve de l’existence d’êtres autres que nous, supérieurs à nous, desquels nous tenons peut-être ces facultés, et vers lesquels nous tendons peut-être à nous élever.