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PAR LA SÉLECTION NATURELLE.

de piller les membres faibles de sa tribu, il partage avec des chasseurs moins heureux le produit de sa chasse, ou l’échange contre des armes que les plus infirmes peuvent façonner, il sauve de la mort les malades et les blessés ; il est ainsi soustrait à l’action de cette force qui amène impitoyablement la destruction de tout animal incapable de se suffire entièrement à lui-même. Cette force est la sélection naturelle ; or, elle seule peut, en accumulant et en rendant permanentes les variations individuelles, former des races bien définies, il s’ensuit donc que les différences aujourd’hui existantes entre les animaux et l’homme ont dû se produire avant que se fussent développées chez lui l’intelligence et la sympathie. Cette manière de voir rend possible et même nécessaire l’existence de l’homme à une époque géologique comparativement reculée. Car, durant les longues périodes pendant lesquelles les animaux ont subi dans leur structure entière des modifications assez importantes pour constituer des genres et des familles distincts, des changements équivalents n’ont pu, chez l’homme, affecter que la tête et le cerveau, tandis que son corps restait génériquement, et même spécifiquement, le même. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi le professeur Owen, se basant sur les caractères de la tête et du cerveau, place l’homme dans une sous-classe distincte des mammifères, tout en admettant que par la charpente osseuse de son corps, il est très-semblable aux singes anthropoïdes, « chaque dent, chaque os, étant exactement homologue, en sorte que la détermination de la différence entre les genres Homo et