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DÉVELOPPEMENT DES RACES HUMAINES

ment chez un carnassier l’empêche de poursuivre sa proie, et le fait mourir de faim. Il n’y a, en règle générale, aucune assistance mutuelle entre les adultes qui leur permette de traverser une période de maladie. Il n’y a non plus aucune division du travail, chacun doit remplir toutes les conditions de l’existence, et par conséquent la sélection naturelle maintient tous les individus à un niveau à peu près égal.

Il en est tout autrement pour les hommes tels que nous les connaissons aujourd’hui, car la sociabilité et la sympathie les réunissent. Chez les tribus même les plus sauvages, on vient en aide aux malades, tout au moins en les nourrissant ; un individu moins robuste et moins vigoureux que la moyenne n’est pas pour cela condamné à mourir, non plus que celui dont les membres ou les organes sont faibles ou imparfaits. La division du travail existe à quelque degré : les plus agiles chassent, les plus faibles pêchent ou recueillent des fruits, ils échangent ou partagent leur nourriture. L’action de la sélection est par là entravée, et la mort n’atteint pas toujours, comme chez les animaux, les faibles, les petits, les moins alertes, ceux dont la vue est la moins perçante. À mesure que les qualités physiques perdent de leur importance, les qualités morales et mentales en acquièrent, et exercent une influence croissante sur le bien-être de la race. La capacité d’agir de concert pour pourvoir à la sécurité de tous et se procurer des aliments ou un abri, la sympathie qui fait tour à tour assister les uns par les autres, le sens du droit qui nous empêche de faire du tort à notre pro-