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CRÉATION PAR LOI.

qu’il oppose aux déductions que nous tirons de la classification. L’incertitude qui règne parmi les naturalistes quant à la distinction de l’espèce et de la variété, est aux yeux de M. Darwin un motif très-sérieux pour affirmer que ces deux termes ne peuvent pas s’appliquer à des choses dont la nature et l’origine différeraient complètement. L’écrivain de la North-British Review conteste la valeur de ce raisonnement, parce que les œuvres de l’homme présentent exactement le même phénomène, et il donne comme exemples les inventions brevetées, pour lesquelles il est très-difficile de déterminer si elles sont nouvelles ou anciennes. J’accepte la comparaison, bien qu’elle soit très-imparfaite, et je dis qu’elle est tout en faveur des opinions de M. Darwin. En effet, les inventions de même nature ne se rattachent-elles pas toutes à un ancêtre commun, une machine à vapeur ou une horloge perfectionnée ne sont-elles pas les descendants directs d’une ancienne machine ou d’une ancienne horloge ? Y a-t-il dans l’art et la science, plus que dans la nature, des créations nouvelles ? A-t-on jamais vu surgir une invention absolument originale, et dont aucune portion ne fût dérivée d’un objet déjà fabriqué ou décrit ? Il est donc évident que la difficulté que l’on trouve à distinguer les différentes catégories d’inventions soi-disant nouvelles, est de même nature que celle qu’on trouve à discerner les espèces des variétés : ni les unes ni les autres ne sont des créations absolument nouvelles, mais toutes proviennent également de formes préexistantes, dont elles diffèrent, comme elles diffèrent