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CRÉATION PAR LOI.

sont évidemment des obstacles de cette nature, qui ont agi dans d’autres parties du monde, et c’est pour cela que nous ne trouvons ce développement extraordinaire du nectaire que dans la seule île de Madagascar et dans une seule espèce d’orchidées. J’ajouterai ici que quelques-uns des grands lépidoptères nocturnes des tropiques ont la trompe presque aussi longue que le nectaire de l’Angræcum sesquipedale. J’ai mesuré exactement celle d’un spécimen du Macrosila cluentius, de l’Amérique du Sud, dans la collection du British Museum, et je l’ai trouvée longue de neuf pouces et quart. Elle est de sept pouces et demi dans le Macrosila Morganii, de l’Afrique tropicale. Une espèce dont la trompe serait de deux ou trois pouces plus longue, pourrait atteindre le nectar dans les plus grandes fleurs de l’Angræcum sesquipedale, dont le nectaire varie en longueur de dix à quatorze pouces. On peut prédire hardiment qu’un tel papillon existe à Madagascar ; le naturaliste qui visitera cette île pourra le chercher avec autant de certitude que les astronomes ont cherché la planète Neptune, et j’ose lui prédire le même succès.

Au lieu de cet agencement merveilleux qui agit par soi-même, on propose la théorie que le Créateur de l’univers, par un acte direct de sa volonté, disposa les forces naturelles qui règlent la croissance de cette seule espèce de plante, de façon à porter son nectaire jusqu’à cette longueur prodigieuse ; et qu’en même temps, par un acte également spécial, il dirigea les sucs nourriciers dans le corps du papillon, de manière à accroître sa