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L’INSTINCT CHEZ L’HOMME ET LES ANIMAUX.

Je proposerai de définir l’instinct « l’accomplissement par un animal d’actes complexes, absolument sans instruction ni connaissance acquise préalablement. » Ainsi on dit des oiseaux ou des abeilles qui construisent leurs nids ou leurs cellules, des insectes qui pourvoient à leurs besoins futurs ou à ceux de leurs descendants, qu’ils accomplissent tous ces actes sans jamais en avoir vu faire de semblables à d’autres, et sans aucunement savoir pourquoi ils les font eux-mêmes. C’est ce qu’exprime le terme très-commun « d’instinct aveugle ».

Mais ce sont là autant d’assertions positives qui, chose étrange, n’ont jamais été prouvées. On les considère comme évidentes par elles-mêmes et n’ayant aucun besoin de preuve. Personne n’a encore fait l’expérience suivante : prendre les œufs d’un oiseau qui construit un nid perfectionné, faire éclore ces œufs au moyen de la vapeur ou sous une couveuse étrangère, puis mettre les jeunes oiseaux dans une grande volière ou dans un jardin couvert, où ils trouveraient une situation et des matériaux convenables pour un nid semblable à celui de leurs parents, et voir alors quelle espèce de nid ces oiseaux construiraient. Si, rigoureusement soumis à ces conditions, ils choisissent les mêmes matériaux, la même situation, construisent leur nid de la même manière et aussi parfaitement que leurs parents l’avaient fait, alors nous aurons un cas d’instinct, bien prouvé. Pour le moment il n’est que supposé, et supposé sans raison suffisante, ainsi que je le montrerai plus loin.