Page:Wallace - La sélection naturelle, essais, 1872.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
LES PAPILLONIDES DES ÎLES MALAISES.

desquelles j’ai passé plusieurs mois, j’ai trouvé les deux formes de femelles, sans jamais rencontrer qu’une seule forme du mâle ; vers la même époque M. Montrouzier, qui a passé plusieurs années dans l’île Woodlark, à l’autre extrémité de la Nouvelle-Guinée, et doit s’être procuré tous les grands lépidoptères qui y habitent, y a trouvé des femelles très-semblables aux miennes, et qu’il associe avec une espèce très-différente, désespérant de leur trouver des mâles assortis. Tout cela rend suffisamment évident, je pense, que nous avons à faire ici à un cas de polymorphisme, de même nature que ceux du P. Pammon et du P. Memnon. Au reste, cette espèce n’est pas seulement dimorphique, mais trimorphique ; car j’ai trouvé, dans l’île de Waigiou, une troisième femelle, parfaitement distincte de chacune des deux autres, et un peu intermédiaire entre la femelle ordinaire et le mâle. Ce spécimen est particulièrement intéressant pour ceux qui, avec M. Darwin, attribuent à l’action graduelle de la sélection sexuelle, la production d’une différence extrême entre les sexes. On pourrait y voir, en effet, l’un des degrés intermédiaires de ce développement, qui aurait été accidentellement conservé, à côté de ses rivaux plus favorisés ; toutefois son extrême rareté (on n’en a trouvé qu’un seul spécimen contre plusieurs centaines de l’autre forme), semble indiquer qu’il tend à s’éteindre.

Dans le genre Papilio, nous n’avons plus à mentionner qu’un seul exemple de polymorphisme qui présente autant d’intérêt que ceux dont nous venons de