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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

jaunes et des taches noires. La première fois que ces espèces furent offertes aux crapauds, ceux-ci se jetèrent sur elles avec avidité et les firent passer dans leur bouche ; mais immédiatement ils parurent s’apercevoir de leur erreur, et on les vit immobiles, la bouche ouverte, s’efforcer en remuant la langue de se débarrasser de cet aliment désagréable.

Il en fut de même avec les araignées. Ces deux chenilles furent mises à différentes reprises dans les toiles de l’Epeira diadema et de la Lycosa. Dans le premier cas, elles furent rapidement détachées de la toile et laissées en liberté ; dans le second cas, elles disparurent d’abord, emportées dans les mâchoires de l’araignée jusqu’au fond de son entonnoir, mais elles reparurent toujours, remontant en toute hâte le long des parois.

M. Butler a vu des lézards lutter avec des bourdons et finir par les dévorer. Il a observé une grenouille qui, posée sur du sedum, sautait pour s’emparer des abeilles qui volaient autour d’elle, et les mangeait sans être arrêtée par leurs piqûres. Il est donc évident que la possession d’un dard ou piquant n’est point, pour une chenille ou un insecte très-apparent, une protection aussi efficace que celle d’une odeur ou d’un goût désagréable.

Les observations de M. Weir et de M. Butler confirment d’une manière remarquable l’hypothèse que j’avais proposée deux ans auparavant pour la solution de la difficulté. Il est généralement reconnu qu’une théorie est d’autant plus certaine et plus complète qu’elle nous fournit une base plus sûre pour prévoir les faits ; je crois pouvoir avancer que cette condition est heureu-