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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

les téguments longs et flexibles qui l’enveloppent ne sont pas propres au développement d’excroissances anormales, comme il s’en produit constamment chez les insectes. Le nombre des espèces de chaque groupe dans un même district est d’ailleurs relativement petit, de sorte que les chances de la première ressemblance accidentelle nécessaire à l’œuvre de la sélection naturelle sont par là même fort diminuées. Nous avons peine à concevoir par quel moyen imitatif l’élan pourrait échapper au loup, ou le buffle au tigre.

Il y a cependant un groupe de vertébrés, celui des reptiles, dans lequel les formes sont si semblables, qu’une modification très-légère, si elle est accompagnée par l’identité de la couleur, peut facilement amener le degré nécessaire de ressemblance ; et celui-ci peut être d’autant plus avantageux, que certaines espèces sont armées de la façon la plus meurtrière. Nous allons voir que ces animaux nous offrent quelques exemples de véritable mimique. On trouve dans l’Amérique méridionale un grand nombre de serpents venimeux du genre Elaps, ornés de brillantes couleurs, disposées d’ordinaire d’une manière très-particulière : le fond est en général rouge vif, sur lequel se trouvent des raies noires de largeurs diverses, et divisées quelquefois en deux ou trois parties par des anneaux jaunes. Dans la même région se trouvent plusieurs genres de serpents inoffensifs, sans aucune affinité avec les précédents, mais colorés identiquement de la même manière ; par exemple, l’Elaps fulvius, venimeux, commun dans le Guatémala, porte des raies noires