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Mais le sang, la tiédeur animale, chacun
Des mouvements profonds qui composent la vie,
La plus intime ardeur, la plus secrète envie,
Entre nous tout cela qui ne faisait plus qu’un ;

La chair, l’instinct, un monde obscur qui tenait d’elle
Ses heures de volupté lasse ou de désir,
Et qui veuf maintenant, frustré de son plaisir,
En garde un souvenir terriblement fidèle ;

Que répondre à ces voix qui réclament leur dû ?
Que dire à ce troupeau d’aveugles qui ne cesse
De pleurer, sans souci d’honneur ou de bassesse,
L’étreinte dénouée et le baiser perdu !

(À Chaque Jour...)

ET J’APPRIS CE QUE C’EST QUE DE SOUFFRIR

Et j’appris ce que c’est que de souffrir : on creuse
Un terrain qui, d’abord, semble étroit, quelque arpent,
À peine, d’herbe rare et de glèbe pierreuse.
Mais, à mesure que, tâtonnant et rampant,
Vers le bas, du côté des ténèbres, l’on plonge,
Le champ de la tristesse à l’infini s’allonge.
Souffrir, c’est lentement perdre les yeux du corps,
C’est, bientôt, ne plus voir les choses du dehors
Et le ciel qu’à travers un déluge de cendre,
C’est au dedans de soi, chaque jour plus avant,
Jusqu’où meurt le grand bruit de la cité, descendre,
Et là, comme un mineur scrute l’ombre, en levant
Au-dessus de son front sa lampe qui vacille,
C’est marcher dans la nuit, sans autre feu qui brille
Que la lueur de sa conscience. L’instinct
Qui vous guidait, parfois un souffle obscur l’éteint :
On s’égare, on se heurte, un soir, contre une idée,
Et, lorsque de fatigue on s’endort, obsédée,
L’Âme qui rêve tourne et revient sur ses pas,
Tâte le mur, voudrait s’enfuir et ne peut pas...
Mais cependant qu’au fond de l’œil en pleurs s’efface