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ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS

Et qui connus un jour le privilège étrange
De pouvoir espérer et de pouvoir souffrir !

II

Rien ne sera, quand sera morte ta pensée,
Rien ne sera, quand sera morte ta douleur,
Et le monde taira sa rumeur insensée,
Dernier homme, au dernier battement de ton cœur.

Pourquoi, pourquoi tant d’espérance dépensée,
Tant de gloire, tant de beauté, tant de ferveur ?…
Nul ne reprendra l’œuvre à peine commencée ;
L’oubli demeurera le suprême vainqueur.

Les dieux s’effaceront avec tes derniers rêves,
Tes dieux vains plus nombreux que le sable des grèves,
Les dieux, fils surhumains de ton humanité.

Le monde entier mourra de ta mort, humble atome
Qui portais tout un monde au fond de ton cœur d’homme,
Et qui rêvais pour ton néant l’éternité !

(Le Cri du Néant.)


LA FIN DES RÊVES
I

Sur le tertre stérile où rien ne le protège,
Le vieux Christ délabré pend à sa vieille croix
Qui fléchit chaque jour un peu plus, sous son poids,
Et sous le vent impitoyable qui l’assiège.

Son bois décoloré s’est fendu par endroits,
Sous les soleils, sous les averses, sous la neige ;
Et, mutilés jadis par un bras sacrilège,
Ses poings sont des moignons lamentables sans doigts.

Mais le martyr divin, debout sur son calvaire,
Ses deux bras étendus sur l’horizon sévère,
Fait son geste sublime, interminablement,

Et livre aux quatre vents son âme solitaire,
Parmi 1 hostilité féroce de la terre
Et la froide tranquillité du firmament.