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Au petit rire de la vie, âpre et fêlé
Comme la chute d'un caillou dans une tombe,
Au lointain battement d'ailes de la palombe
Noire de ton destin, oiseau des mausolées.
 
Tu songeais. — Tu songeais : je suis las de ce corps
Vieux vêtement chaud de fièvres qui s'effiloche,
Écarlate où coula la hâve des débauches ;
Elle est ridicule à faire rire les morts,

Cette chair, parchemin où la fatalité
Ajoute chaque jour une nouvelle histoire
Si bizarre, que ma raison a peur de croire,
Si triste, triste, que j'en ris, comme hébété.

Tu songeais aux grands lits d'insomnie et d'angoisse,
Aux relents de poivre et de musc des chevelures,
Au petit pli mouillé des bouches en luxure
Où se blottit l'odeur des pétales qu'on froisse.

Ah ! voilà, c'est cela ! les assauts redoutables
De la pitié qui vient quand on ne l'attend pas,
La tendresse équivoque et le regret coupable
Et le mauvais conseil qui ricane tout bas.

Le désir de pleurer et le besoin de battre,
Les ongles du supplice aux mains de la pitié,
Le cœur de l'histrion devenu son théâtre,
La moitié du serpent cherchant l'autre moitié.

Le flux et le reflux des flancs et de la gorge,
L'insupportable pouls qu'on voudrait arrêter,
Et dans son propre cœur le bruit des mille forges
Du remords, de la peur et de la cruauté !

La douceur qui détruit, la douleur qui répare
L'équilibre du mal que l'on ne peut saisir,
Le combat du cœur triste et de la chair barbare,
L'inassouvissement penché sur le désir.

La Raison qui maudit le spectacle et l'anime
Et sonne la minute effroyable où l'amour
Oublie le nom d'Amour dans le spasme anonyme,
Et le nom de jamais aux lèvres de toujours !
 
Réveille-toi, Aenobarbus, réveille-toi !