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108 ANTHOLOGIE DES POETES FRANÇAIS


d’action. Après la Grèce, la Syrie, la Palestine, l’Egypte, il explora Ceylan et l’Inde. Il fut recueilli mourant à Lahore. Une fois guéri, il laissa son mysticisme sur la terre des fakirs. Le philosophe, le romancier et le poète rentrèrent seuls en Europe avec Visions de l’Inde. On n’a pas oublié les représentations, ai théâtre antique d’Orange et à l’Odéon, à Hippolyte couronné, belle œuvre littéraire, à laquelle succédèrent bientôt d’autres drames en vers parmi lesquels nous citerons La tarie, représentée à la Comédie française en 1909. Dans la préface de L’Humanité divine (1910), qu’il suppose adressée à « un jeune poète qui lui aurait demandé conseil », M. Jules Bois parle d’abord de la question des réformes prosodiques : « Avec les meilleurs de ta génération, dit-il à son jeune confrère, tu as aussi reconnu la logique, la solidité de cette prosodie que l’assentiment populaire, autant que les grands artistes tes devanciers, a fixée ; elle ne se modifie que lentement, non pas selon de brusques caprices, mais par des besoins profonds. L’essai du « vers-librisme » révolutionnaire n’a pas été en soi un échec, comme on a pu le croire. La poésie s’est enrichie d’un moyen nouveau d’expression qui tient du vers et de la prose. Mais il eût été insensé que cette acquisition récente et encore inorganique voulût se substituer au legs des siècles que consacrèrent tant de chefs-d’œuvre.

« Tu m’as approuvé lorsque je t’ai exposé l’opinion que nous nous sommes formée après réflexion et au contact de l’expérience. Je tiens à la préciser ici :

« Loin de s’affranchir des difficultés prosodiques, le poète ne doit pas les craindre. Il ne doit pas non plus les rechercher, de peur de tomber dans le puérilisme et la jonglerie. Cependant, il n’est pas douteux que l’idée gagne en beauté à accepter des règles sévères et logiques, qui obligent à ne pas improviser et à poursuivre la perfection. Notre prosodie de l’heure présente s’affine, plus délicate, plus sensible au frisson intérieur qu’elle traduit avec une exactitude accrue. Au lieu d’évoluer vers le relâchement, elle s’achemine vers un art de plus en plus conscient et complexe. Écoutez sonner le beau vers moderne. C’est une musique orchestrée savamment. La césure est moins monotone, mieux adaptée au mouvement. La rime n’est plus nécessairement et inutilement riche ou baroque, comme chez Hugo et Banville, ni nécessairement et négligemment pauvre, comme chez Racine et Musset. Elle se surveille, l’épure, évite l’adjectif, la redite, la banalité autant que le charlatanisme. Un esclavage ? non ; je crois plutôt une coquetterie. Certaines lois loyalement subies sont-elles tout à coup abrogées ? C’est par un scrupule aux antipodes de la paresse, c’est pour un effet pré-