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humaine, à travers les âges, reste imperturbablement égale à elle-même ; qui la concevons en perpétuel devenir, formée par toutes les capitalisations du passé et de l’hérédité, par toutes les acquisitions et par toutes les influences du savoir et des milieux, il est difticile d’admettre que le poète se doive complaire indéfiniment daus la contemplation de deux ou trois phénomènes généraux de la nature, signalés, d’ailleurs, depuis fort longtemps sous toutes les latitudes. C’est plus loin, c’est-àdire plus profondément, que doivent tendre ses aspirations. La poésie est création, ou mieux, révélation perpétuelle. Ce qui est révélé — est. Mais, à la longue, cette révélation s’associe à notre façon de voir. Notre personnalité se l’approprie, elle en fait notre bien — et nous souhaitons autre chose. Un exemple est peut-être utile. Imaginons un poème merveilleux, qu’un admirateur enthousiaste se ferait réciter chaque jour. Au bout d’un certain temps, les impressions produites, toujours répétées, se mécaniseront, pour ainsi dire, dans l’esprit de l’auditeur. Ses sens et sa mémoire les enregistreront automatiquement, son intelligence ne sera plus sollicitée ; il n’y aura plus curiosité, et la poésie, phénomène en soi, disparaîtra. Le lecteur moderne est ce personnage. Il a trop entendu les mômes choses. L’œuvre poétique n’en existe pas moins toujours, mais il ne peut que la situer, historiquement, à sa date, dans son admiration.

Il en est de même des jugements tout faits, des jugements conventionnels. L’impéritie phraséologique éclate de toutes parts. Elle nous a des airs de carnaval ou de rodomontades. A toute œuvre, il faut désormais une caution. Et cette caution, c’est

Ie savoir moderne.

IV. — La création poétique est une intégration, non une synthèse. • Il n’est plus permis au poète de tout ignorer, disions-nous. Mais la science universelle est irréalisable. L’homme a établi des sciences partielles, physiques, naturelles, morales, sociales, etc., etc. Elles évoluent dans leurs domaines respectifs, et chacune poursuit la vérité. Or, la vérité, dans l’absolu est une.

Il faut donc qu’elles aient entre elles des rapports, des correspondances, difficiles à découvrir parfois, encore plus à déterminer. La poésie intervient au sein même du toutes ces correspondances mystérieuses qui sollicitent notre activité intellectuelle, notre mémoire, nos aspirations, notre moi tout entier, et constituent cet état de conscience où, semble-t-il, nous communions dans l’infini. Semble-t-il, faut-il dire, car, hélas ! la création poétique ne consiste qu’à déterminer jusqu’aux subtilités du frisson les limites extrêmes d’une somme d’infiniment petits, do nature fort complexe, qui sont nos aperceplions do toutes