Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée


B. — De la création poétique.

« Ces remarques faites, combien différento nous apparaît, «Tans sou utilité immédiate et dans ses conséquences, l’étude de la conception poétique ! « Si nous désirons, en effet, sortir du « chaos où se débat actuellement la poésie française, écrivait « récemment M. Léon Vannoz, il faut que nous fassions un grand « effort pour comprendre les lois vraies de la création poétique. « et pour nous comprendre nous-mêmes… Plus lo poète corn* (( prendra profondément le travail de la conscience et de rimaii gination créatrice, plus il verra augmenter ses moyens de ° prise sur la nature. » Rien ne nous semble plus juste. On pourrait ajouter : et plus son idéal s’élèvera. Nous verrons mieux le but ; la clarté so fera sur la route ; nous risquerons moins de nous égarer en des préoccupations à côté, et, peutêtre ainsi, pourra-t-on mieux nous apprécier. Il faut le redire ici : il y a quelque chose de changé dans l’âme humaine. A la conception nouvelle de l’univers et de la vie que s’est faite l’homme d’aujourd’hui, les paraboles d’antan ne correspondent plus. Nous ne pouvons plus nous intéresser naïvement aux légendes qui ont charmé nos pères. Nous-mêmes les avons trop entendues. Les points do vue sont déplacés, et la poésie éternelle a besoin de nouveaux modes d’expression. Aux poètes do les chercher et de les indiquer. A conception haute, œuvre haute. Ex nihilo nihil. Nous sommes pénétrés de cette vérité. Aussi est-ce résolument que nous inscrivons notre premier principe :

I. — La Poésie réalisée est la forme transcendante du savoir.

« Elle fut telle à l’origine, et toujours elle s’est révélée telle chez les grands poètes. La poésie apparaît comme la première éducatrice spirituelle des hommes. Elle a fondé les religions et les philosophies. Elle a présidé à toutes les manifestations de la beauté. Son hégémonie a resplendi sur les âges jusqu’aux époques récentes, où, les progrès de la science et de la civilisation l’ayant submergée, elle est devenue, sous son aspect lo plus décent, un petit talent de société, un agrément de five o’clock, un passe-temps de demoiselles, et, sous son aspect grotesque, un exploit pompeux de minus habens. Et nous protestons. Le rôle de la poésie ayant toujours été d’agrandir la conscience humaine au delà même des vérités contrôlées, il ne nous est plus permis de tout ignorer de ce qui se passe autour de nous. II faut connaître ceci pour atteindre à cela. C’est parfait, chanter la vie et l’humanité. Encore faut-il savoir ce qu’elles sont, et ce qui les constitue aujourd’hui. Suffit-il de s’asseoir sur un banc de mousse, au bord d’un ruisseau, et de mettre la